LE COURS ÉRIC-TABARLY À L’ABORDAGE DES INÉGALITÉS ÉDUCATIVES
Depuis 2018, à Toulon, une école pas comme les autres accueille une cinquantaine d’enfants, majoritairement issus des quartiers populaires de la ville. Membre du réseau Espérance banlieues, le Cours Éric Tabarly montre qu’il est possible de combattre les inégalités scolaires et culturelles
Charles Dard, 53 ans, père de 5 enfants et ancien officier de marine, assure la direction de l’école depuis sa création : « À l’époque des attentats de 2015 qui ont touché notre pays, j’étais commandant de frégate et mes discussions avec les membres d’équipage issus de l’immigration m’ont convaincu que l’éducation dans les quartiers était l’un des enjeux les plus importants pour notre pays. Mon goût pour l’éducation et la découverte du modèle Espérance banlieues m’ont décidé à quitter la marine pour me lancer dans l’aventure. Sans regret ! »
L’effectif de 6 salariés du Cours Éric Tabarly est renforcé par deux personnes en service civique, un stagiaire et plus de 40 bénévoles qui assurent soutien scolaire, surveillance de l’étude du soir ou de la cantine, encadrement des sorties extrascolaires, ou encore communication et recherche de fonds pour l’établissement... Car si le financement du coût de la scolarité revient à dix pour cent pour les parents, le reste est assuré par des dons de particuliers ou de fondations privées et d’entreprises. L’établissement n’est pas sous contrat avec l’État mais des discussions menées par l’AREB sont en cours au niveau national.
« Le plus difficile, explique Charles Dard, reste de répondre aux besoins, qui sont immenses. Limités par nos locaux et moyens actuels, nous ne pouvons pas répondre à toutes les demandes. Beaucoup de familles veulent que leurs enfants s’en sortent, même si elles-mêmes sont en situation précaire. Cette volonté fait toute la différence.
La relation personnelle que nous tissons avec les familles, du fait de la taille à échelle humaine de notre établissement, nous donne plus d’outils pour maintenir le contact. »
Une école « augmentée »
L’un de ces outils essentiels est « La Ruche », qui désigne toutes les activités au-delà du temps scolaire réalisées avec les familles. Le Cours Éric Tabarly est l’une des quatre écoles du réseau pionnière sur cette initiative structurée et budgétée par Espérance banlieues.
Gaëlle Picut, l’une des bénévoles du Cours Éric Tabarly, en témoigne : « Deux personnes s’occupent de La Ruche avec beaucoup de cœur, elles permettent de tisser des liens solides entre les familles et l’équipe pédagogique. Nous proposons des ateliers le mercredi après-midi mais aussi des pique-niques, des sorties culturelles, ou des visites de sites de la région... »
Charles Dard insiste sur l’importance de suivre l’enfant et sa famille dans la durée : « Nos anciens élèves entrés en 6e et 5e ont de bons résultats. Les cas d’échec sont ceux où l’enfant est rattrapé par son environnement, avec des grands frères dans le trafic de drogue par exemple, ou quand il n’a passé qu’un ou deux ans chez nous : c’est insuffisant pour combler son déficit académique et ancrer de nouvelles habitudes.
Notre établissement est au seuil d’une étape 2 : notre souhait est de développer l’école augmentée et d’ouvrir à terme un collège pour atteindre la taille de 150 élèves des établissements du réseau Espérance banlieues. Pour cela, nous devons trouver des locaux plus vastes, développer la Ruche, il y a beaucoup de travail... »
En 2023, le Cours Éric Tabarly a reçu le label L’Honneur en action © de la SMLH pour son projet 2022 d’éducation citoyenne « Tenir la barre ensemble vers l'avenir ». En 2024, il espère recevoir le prix, accompagné d’une dotation de 5 000 € qui l’aiderait à mener à bien ses activités liées à la citoyenneté et l’attachement à la France, avec en point d’orgue, le financement d’un voyage à Paris à la découverte des monuments historiques de notre pays.
Un nouveau projet sera présenté en 2024.
"Parce que chaque enfant est une promesse"
Espérance banlieues est un réseau d’établissements éducatifs et une fondation créés en 2012 par Éric Mestrallet pour aller contre les injustices dans les banlieues rendues particulièrement visibles par les émeutes de 2005. L’école pionnière fut celle de Montfermeil (93).
Entre 2014 et 2023, 17 nouvelles écoles et collèges Espérance banlieues sont créés un peu partout en France et, depuis 2017, elles sont pilotées par l'association Réseau Espérance banlieues (AREB).
En 2019, la Fondation Réseau Espérance banlieues est placée sous l’égide de la Fondation de France, qui affirme soutenir l’initiative « parce que chaque enfant est une promesse ».
Acteur complémentaire de l’Éducation nationale, Espérance banlieues fait de l’implication des parents l’un des piliers de son modèle éducatif. Ses principes sont l’exigence académique, l’accompagnement personnalisé et la transmission des codes et de la culture française.
En fin de CP, la maîtrise de la lecture à voix haute est satisfaisante pour 98 % des élèves de l’AREB, contre 68 %, tout secteur enseignement confondu.
La Cohorte n° 244, de décembre 2021 avait réalisé un précédent reportage sur une école affiliée au réseau Espérance Banlieues, « La Traverse », qui a ouvert ses portes à la rentrée 2018 dans un quartier défavorisé de Compiègne.
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