Carnet

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17 octobre 2022
Maurice Ballet

Décès - SMLH 17. Hommage à Maurice Ballet (1922 - 2022)

Il venait d’avoir 100 ans, un bel âge quand on sait ce qu’il avait vécu et enduré dans sa jeunesse. Maurice Ballet, Chevalier de la Légion d’honneur, médaillé militaire, nous a quitté le 23 août 2022.

Né le 7 janvier 1922, dans le Loiret, il était l’ainé d’une famille nombreuse.

En 1940, il a 18 ans et, son père et lui ramassent et cachent des armes abandonnées par les Allemands lors de leur retraite. Il raconte, avec son petit sourire en coin légendaire, que ses premières actions de résistants ont consisté à crever les pneus des bicyclettes et des voitures des Allemands. Repéré par la résistance locale, il la rejoint et, avec l’aide des cheminots, il transporte ces armes d'Orléans à Paris et revient avec des tracts.

En juin 1943, il est arrêté par la Feldgendarmerie sur dénonciation, et ce fut là le début de 26 mois de captivité, de torture physique et psychologique. Envoyé à Compiègne sans avoir révélé aucun renseignement ni livré aucun de ses camarades, il devient orphelin pour protéger sa famille et change de nom. Transféré à Buchenwald, c’est là que débute son périple en enfer sous le matricule 34276.

A nouveau transféré vers un autre camp, Auschwitz-Birkenau, une erreur d’aiguillage lui sauve la vie ce jour-là et il se retrouve à Sachsenhausen où il devient le matricule 79329. Il n’a alors que 20 ans.

Affecté aux travaux forcés, il se blesse à la jambe et, refusant d’aller à l’infirmerie du camp, se fait soigner par un médecin Polonais affecté au carré tzigane. Avec son kommando dont il était jusqu’à ce jour le dernier survivant, il organise des actes de résistance à l’intérieur du camp ce qui lui vaudra d’avoir une cible peinte sur le dos de son pyjama rayé.

Face à l’avancée alliée les 2 et 3 Mai 1945, les Allemands évacuent le camp et commence alors pour tous ces détenus la « marche de la mort » vers une destination inconnue. Il apprendra par la suite que la volonté des allemands était de tous les éliminer pour les empêcher de témoigner. C’est l’armée russe qui les libère avant que les Allemands n’aient le temps de mettre en œuvre leur funeste projet.

De retour en France où il figure sur la liste des morts et disparus, il est accueilli par sa mère et sa famille en deuil. Il ne pèse alors plus que 36 kg. Commence alors un dur retour à la vie.

A la fin des années 50, habitant Saint-Ouen, il rejoint plusieurs associations de déportés et résistants où il travaille avec son parrain d’honneur, le Colonel Rol-Tanguy.

Se présentant aux cérémonies commémoratives en tenue de déporté, il fait alors l’objet de critiques des anciens combattants. A la sortie du film Shoah, avec ses compagnons survivants, il fait le serment de tout faire afin que les camps ne tombent jamais dans l’oubli. Commence alors une longue vie, jusqu’à ce jour, pour le travail de mémoire. Pour lui : « un pays qui n’a pas de mémoire est un pays qui meurt ».

Il s’installe en 2013 sur l’Île d’Oléron, au Château-d’Oléron, avec son épouse et leurs deux filles. Il s’engage auprès des élèves des collèges de l’Île pour partager son expérience et les aider pour le concours national de la résistance et la déportation, ce qui leur vaudra de nombreux prix. Il s’engage également auprès de la commune où il fera adopter une cérémonie annuelle en mémoire de la déportation et il offrira sa tenue de déporté pour le musée local. Jamais en 77 ans il n’a manqué une cérémonie. Pour la célébration de ses 100 ans, le 7 janvier 2022, il était là encore, fier et debout pour l’inauguration d’une sculpture solidaire dédiée à la déportation.

Il nous appartient désormais de faire vivre sa mémoire et celle de tous ses compagnons qui ont souffert dans les camps de la mort.
L’hommage et les honneurs qui lui ont été rendus le 26 août 2022, lors d’une très belle et émouvante cérémonie, par la trentaine de drapeaux d’associations dont celui de la Légion d’Honneur, furent à la hauteur de l’homme qu’il a été.



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