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Vie des sections

SMLH 69. 106e anniversaire de Blanche Boulet, doyenne du comité 10 de la section SMLH du Rhône et de la métropole de Lyon

Publié le 16 avril 2025

En février dernier, la Section SMLH du Rhône et de la métropole de Lyon, a fêté le 106° anniversaire de sa doyenne, Blanche Boulet. Elle fut décorée de la Légion d’honneur alors qu’elle venait de fêter ses 100 ans, à l’issue d’un dossier d’initiative citoyenne. Mme Boulet est l’un des derniers acteurs survivants du Débarquement de juin 1944, le fameux D-Day.

 

Voici le texte de l’allocution prononcée le 8 mai 2019 pour la remise de sa croix par Monsieur Daniel Simon, sociétaire du comité Nord-Ouest de Lyon, qui avait instruit la proposition d’initiative citoyenne.

« M. le Maire, je vous remercie de permettre que cette cérémonie patriotique, célébrant la fin de la deuxième guerre mondiale le 8 mai 1945, devant le monument aux Morts de votre commune, se prolonge par la réception dans l’Ordre de la Légion d’honneur de Madame Blanche Boulet, citoyenne d’honneur de Marcy l’Etoile. Un moment fort de la deuxième guerre mondiale fut en effet le débarquement des troupes alliées sur les plages normandes, le 6 juin 1944, où s’illustra Madame Blanche Boulet.

 

Madame Blanche Boulet Vandevire, vous venez de fêter vos 100 ans, vous veniez de fêter vos 25 ans en 1944. Vous êtes née à Ouistreham, haut lieu des combats des plages du débarquement. Votre père, marin-pêcheur, également patron d’un canot de sauvetage de la Société nationale de sauvetage en mer, secourut de nombreux pilotes alliés abattus par la DCA allemande, tombés en mer, et fut pour son héroïsme décoré de la Légion d’honneur. Vous allez aujourd’hui le rejoindre dans notre premier ordre national. Ouistreham est emblématique des combats du débarquement, qui avaient été précédés d’intenses bombardements, dès le mois d’avril, avec de nombreuses victimes civiles. Le maire avait dû faire évacuer la population, il ne restait que 500 habitants au matin du D-Day. Bombes et obus d’artillerie de marine s’abattent alors sur la ville et ses plages. Les troupes anglaises et le commando Kieffer combattent rageusement pour s’emparer des fortifications du Mur de l’Atlantique défendues par les Allemands. Sous ce déluge de feu, la fureur de la guerre, la mort et les blessures n’épargnent ni les civils ni les combattants.

 

Comment porter secours aux blessés, comment les aider ? Un premier poste de secours de la Croix Rouge est détruit, un deuxième est improvisé. Pour le tenir : un médecin de 73 ans, une sage-femme et vous, Blanche Boulet.

 

Quelques autres volontaires n’ont ni la force, ni le courage de continuer. Permettez-moi de citer quelques lignes que vous avez écrites il y a 40 ans : « Courant avril, le maire avait organisé des cours de secourisme avec la Croix Rouge. Il y avait du monde, mais en ce matin du 6 juin, sous la direction de notre cher docteur Poulain, Paule Giraudier et moi-même étions seuls à donner des soins aux blessés,  avec peu de moyens, peu de bandages, peu de compresses, nous les lavions après chaque usage, plus d’eau au robinet, une chance, un puits pas loin, plus d’électricité, des lampes Tempête nous éclairaient, la stérilisation des seringues et instruments se faisait sur un réchaud à pétrole.

 

Certaines femmes auraient aimé nous aider auprès des blessés, mais ne pouvaient supporter cette vision affreuse des plaies de guerre, cette odeur fade du sang ; leur aide a été d’un autre ordre, mais indispensable, la cuisine, faisant de leur mieux avec pas grand-chose. »

 

La campagne de Normandie, acharnée, succède aux premiers jours du débarquement. Au poste de secours, vous allez tenir 63 jours et autant de nuits. Vous créez un « English club » pour aider les soldats des premières lignes à « poser leur sac » un court moment. Vous recevrez la Médaille de bronze du Ministère de l’intérieur pour « Actes de courage et dévouement », puis la Médaille commémorative française de la guerre 1939-1945, avec barrette « Défense passive ». La guerre achevée, la vie reprend dans la France libérée. Vous épousez un Lyonnais, Denis Boulet, qui vous laisse veuve en 1976. Eloignée de votre Normandie, vous vous installez à Lyon, où vous tenez une épicerie, 8 ans durant, puis vous venez à Marcy l’Etoile. Votre mari a déjà deux fils, qui deviennent les vôtres. Vous avez deux filles, quinze petits enfants et combien d’arrière-petits-enfants … ?

 

A Marcy l’Etoile, vous ne vous détournez pas de la Croix Rouge, vous acquérez le diplôme de secouriste, et pendant 18 ans tenez des postes de secours et enseignez le secourisme. Vous êtes récompensée par la Médaille de vermeil de la Croix Rouge. Vous créez la section locale des Donneurs de sang. Vous serez présidente de l’Amicale des Donneurs de sang de Marcy pendant 38 ans, pour maintenir leur engagement et acquérir de nouveaux donneurs. Vous êtes décorée de la Croix de chevalier du Mérite du sang. Vous effectuez trois mandats de conseillère municipale de Marcy, 18 ans, chargée notamment du restaurant scolaire, des affaires sociales et des personnes âgées. Marcy l’Etoile vous exprime à son tour sa reconnaissance : vous recevez la médaille d’honneur de la ville, puis en devenez « citoyenne d’honneur ».

 

Tant de services rendus aux autres, avec la simplicité des gens humbles, méritaient une reconnaissance nationale. J’en fut vite persuadé quand le Président de la Section SMLH du Rhône et de la métropole de Lyon me confia l’étude d’un souhait de décoration qui lui était parvenu. Deux entretiens avec les maires de Ouistreham et de Marcy, messieurs Bail et Piegay, enthousiastes à ce projet, établirent notre détermination. L’atteste aujourd’hui la présence de cette délégation de la SMLH.

 

La procédure, relativement récente, d’initiative citoyenne nous permit de bâtir votre dossier, étayé par 70 signatures de Marcillois et de Ouistrehamais, avec l’appui de Léon Gautier, un des trois survivants du Commando Kiefer°, commandeur de la Légion d’honneur. Puis les services de la Préfecture, acquis à la validité du dossier, nous aidèrent à l’affiner. Le dossier put être présenté à Monsieur le préfet, accepté par lui et transmis au Cabinet du Premier Ministre, agréé, enfin examiné et accepté par la Grande Chancellerie. Vous connaissez la suite : parution au JO du 1er janvier dernier du décret vous nommant chevalier de la Légion d’honneur.

 

C’est un très grand bonheur, une très grande fierté pour moi de vous recevoir dans notre Ordre, eu prononçant le rituel « Madame Blanche Boulet, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier de la Légion d’honneur ». Depuis Madame Blanche Boulet se porte bien,  continue de planter ses pommes de terre, rajeunit presque… et ne manque aucune des assemblées de son Comité ou de la section !

 

Année après année, invitée à participer aux célébrations du Débarquement en Normandie, elle se rend à Ouistreham où elle est saluée par le Président de la République, les Bérets verts des Commandos de la Marine, et où elle retrouve encore quelques vétérans anglais des SAS. Ses amis lyonnais ont le privilège de pouvoir l’écouter, raconter ce qu’elle a vécu, exprimer son opinion sur la France et le monde actuel.

 

Daniel Simon, Officier de la Légion d’honneur, Président honoraire du comité 10 – Nord-Ouest de Lyon.